Charte de protection de la nature

Le Comité Central a décidé d’intensifier la lutte qu’il mène depuis toujours pour la défense et la protection de la Nature. C’est dans ce but qu’il a chargé la Commission de la Protection de la Nature d’élaborer une charte exprimant la ligne de conduite du Club Vosgien. Cette charte a été adoptée par l’Assemblée Générale du Club Vosgien a l’unanimité à Remiremont le 28 mai 1977.

PRINCIPES

Conscient de sa responsabilité en tant qu’association touristique régionale la plus ancienne, et se référant à ses statuts, le Club Vosgien, face à la dégradation accélérée de l’environnement, fidèle à sa vocation d’aménagement d’itinéraires de randonnée, dont il se doit de défendre la valeur et le maintien et qui le liaient depuis longtemps déjà comme nulle autre association, à l’espace rural et naturel, a adjoint à cette vocation une politique de protection de la nature du massif vosgien, du Jura alsacien, de la plaine d’Alsace, du plateau Lorrain et de leurs abords.

Conscient de la nécessité d’une défense globale qui tienne compte des impératifs écologiques, économiques, esthétiques et culturels, le Club Vosgien adopte et proclame les principes de la présente charte. En référence à ses principes, la qualité de membre du Club implique la défense de l’inviolabilité de notre patrimoine naturel.

I. LES SENTIERS (Chemins destinés aux piétons)

Sain, le sentier est un élément indispensable de notre équilibre biologique. Simple et dispersant les visiteurs, c’est le type même de l’équipement léger qui s’insère dans la nature sans l’altérer. Parcourant les zones les plus isolées et les moins économiquement développées du massif vosgien, il contribue à maintenir la vie de ces régions rurales et à leur rénovation, en même temps qu’il favorise l’établissement de relations entre citadins et ruraux, de plus en plus nécessaires Si l’on veut éviter un clivage dangereux pour la solidarité de nos populations.

Le Club Vosgien, face au réseau routier déjà trop dense, demande que tout aménagement et tout équipement mettant en cause un sentier comprenne dans son devis les frais nécessaires au rétablissement de ces sentiers après la fin des travaux, tant en forêt communale, que domaniale, que la remise en état des chemins et sentiers perturbés soit effectuée immédiatement après la fin des travaux principaux. (Cf. les instructions de la Direction Régionale O.N.F. – Alsace du 23 août 1973 qui le prévoient d’ailleurs.). Au-delà de ces exigences, il conviendrait d’obtenir une existence légale des sentiers dont il convient de rappeler que les itinéraires intéressants devront figurer dans tous les plans d’aménagement, P.O.S., P.A.R., au même titre que les routes (loi d’orientation du 30.12.1967).

Les sentiers pédestres doivent être laissés à leur vocation propre à l’exclusion de tout autre moyen de locomotion.

II. LES VOIES DE COMMUNICATION

Si l’amélioration des accès, et en particulier des grands axes est indispensable au maintien de la population active, au développement de l’économie du massif vosgien et au développement du tourisme, si certaines routes se justifient par la nécessité de désenclaver des hameaux, des fermes, ou de permettre l’exploitation forestière, trop souvent un accès routier – notamment certaines des routes dites « touristiques » – peut enlever tout intérêt à la zone qu’il prétendait desservir.

En altitude, les routes constituent une des causes directes de dégradation des sites, d’une part par leur implantation même, d’autre part par la concentration de pollution et de nuisances qu’elles entraînent dans les secteurs jusqu’ici préservés.

Sans méconnaître la nécessité d’une amélioration mesurée du réseau routier, il faut toutefois rechercher les solutions les moins dégradantes par rapport aux avantages apportés, et notamment :

– éviter la pénétration des nuisances liées aux véhicules à moteur dans les régions sensibles,

– interdire toute circulation motorisée sur les chaumes et en forêt, sauf pour les ayants droit (fermiers forestiers, …),

– employer, pour les routes forestières et pastorales, un revêtement en concassé aggloméré par compressage (macadam au sens originel du terme) procédé moins coûteux que le goudronnage et dont l’entretien est plus facile avec des moyens moins perfectionnés.

– éviter de goudronner les routes au-delà de la dernière habitation permanente.

III. TOURISME

La véritable vocation touristique du massif vosgien est la randonnée pédestre en été, la randonnée à ski. Le ski de piste a bénéficié à peu près seul de l’attention et des crédits, alors que le tourisme d’été, en montagne, touche une clientèle plus nombreuse et couvre un éventail social beaucoup plus large. Cette priorité devrait être repensée.

La prolifération de routes, de constructions, et de certains équipements notamment dans les hautes vallées et sur les sommets, porte atteinte à la qualité des sites, donc à leur caractère attractif, et risque d’entraver l’avenir d’un tourisme vosgien de qualité. Le bon sens implique un tourisme respectant les principes suivants:

– une politique touristique réaliste et saine, gérant le potentiel touristique présent de façon avisée pour l’avenir, et non seulement en fonction de la rentabilité immédiate;

– l’adaptation de l’infrastructure touristique à la nature physique du massif vosgien: la faible étendue des hautes vallées, le caractère plane des espaces sommitaux, leur équilibre écologique fragile, excluent les formes touristiques concentrées;

– la nécessité d’un schéma global, basé sur la complémentarité des zones, et tenant compte de la solidarité régionale;

– l’accroissement des possibilités d’hébergement et d’équipements de loisirs tenant compte à la fois des impératifs économiques, écologiques, esthétiques. L’hébergement de séjour doit se situer au niveau des agglomérations, être basé sur la famille rurale (petite hôtellerie, fermes, particuliers) afin de satisfaire la clientèle tout en restant bénéfique à la population locale. Les implantations d’hébergement privées, collectives ou publiques ne devront se faire en aucun cas au-dessus de 900 m d’altitude dans les Hautes Vosges; dans les secteurs moins élevés, il convient de définir et de respecter un espace non constructible de dimension suffisante pour éviter de compromettre l’étage sommital;

– les fermes-auberges doivent rester des haltes-restauration pour promeneurs, randonneurs, skieurs, ce qui n’exclut pas un rôle de pension familiale;

– les visiteurs et les promeneurs doivent respecter l’intégralité et le silence des espaces naturels;

– la promotion du tourisme de randonnée pédestre serait grandement favorisée et l’engorgement des axes routiers, lors des retours, beaucoup diminue par le maintien ou la remise en service des voies ferrées de nos vallées, en particulier le dimanche;

– à tous les niveaux, il convient de favoriser l’éducation écologique du touriste; il faut en particulier éviter de jeter déchets et emballages, respecter la flore et la faune, ce qui implique la non-intrusion dans les niches écologiques et exclut la divagation des promeneurs hors des chemins et sentiers, ou au moins hors de leurs abords immédiats.

IV. ACTIVITE RURALE – HABITAT RURAL

L’importance des milieux naturels pour l’équilibre socio-biologiquc de toute la région, comme compensation des zones urbaines et industrielles, est évidente. Dans l’équilibre écologique de la montagne l’activité agricole est indispensable comme elle l’est, si l’on veut maintenir des espaces ouverts – espaces de randonnée par excellence – en plus du manteau forestier. La sauvegarde du paysage passe donc par le maintien de la vie rurale de montagne. Par ailleurs le maintien d’une agriculture de montagne fait partie de la tradition régionale et constitue de ce fait un héritage de la qualité des sites; tout aménagement de l’habitat rural devra être guidé dans le sens du respect du style local.

V. HABITAT SECONDAIRE

En raison de la privatisation de l’espace qu’elles représentent et de leur impact dénaturant, les résidences secondaires sont à proscrire en dehors de la proximité immédiate des agglomérations déjà existantes, en sauvegardant toutefois les terrains plats qui ont vocation de porter des cultures. Encore convient-il de limiter judicieusement l’extension de ces résidences; il conviendrait d’être extrêmement restrictif pour les résidences secondaires qui ne sont pas susceptibles de devenir des habitations permanentes.

Le contrôle strict du style des constructions secondaires préservera les chances touristiques des communes d’accueil.

VI. LA FORET

Les plans d’aménagement, actuellement en cours de réalisation, datent en grande partie d’une époque où la préoccupation de l’environnement n’était pas encore déterminante. Compte tenu des situations nouvelles, il faudra procéder à des modifications locales des modes d’exploitation afin de tenir compte de la qualité des sites.

Des plantations répondant aux impératifs écologiques – notamment la limitation de l’enrésinement vu ses impacts sur le sol, l’eau, la flore, la faune, le tourisme – et l’exercice correct de la chasse devraient, tout en maintenant l’équilibre forêt-gibier, permettre la sauvegarde de la forêt, même propre à notre région, et de la faune sauvage. Dans ce but la délimitation de zones de silence et la limitation de la pénétration motorisée dans les forêts devraient être étendues à des secteurs aussi vastes que possible. Il faudrait assurer à ces mesures une application efficace sur le terrain.

Conscient de l’importance du rôle de surveillance des agents de l’O.N.F., le Club Vosgien s’associe à leur vigilance contre les intrusions déplacées.

Multipliant les brèches forestières, le tracé des lignes électriques ne tient pas compte des sites. Une meilleure utilisation des couloirs existants devrait avoir la priorité sur la création de couloirs nouveaux, vu la hauteur croissante des pylônes (liée à l’élévation de la tension), les sites risquant donc d’être davantage affectés que par le passé. Entre la sauvegarde d’un site et le détour d’une ligne, même au prix (l’un allongement et donc d’une surcharge financière, la sauvegarde du site doit primer. Sur des tronçons particulièrement gênants et sur les crêtes, des lignes souterraines devront être envisagées.

VII AUTRES RICHESSES NATURELLES

Le problème de l’eau est posé par la diversité des causes de pollution et la vulnérabilité de la nappe phréatique. Il faut:

– Assurer l’approvisionnement de la nappe en favorisant son alimentation par le traitement de la forêt en mélange résineux-feuillus, et non en résineux seul, moins favorables à l’infiltration.

– Eviter la pollution des eaux de surface (sources de montagne, ruisseaux), notamment en évitant l’implantation de décharges d’ordures en altitude et les rejets de déchets domestiques directement dans la nature.

– L’exploitation des carrières ne devrait dorénavant plus se faire d’une façon aussi anarchique et tenant si peu compte de l’impact sur le paysage. Il est nécessaire qu’une enquête paysagère sérieuse soit faite avant toute concession. Au cas où il s’avérerait que le maintien et l’activité d’une carrière ou gravière en cours d’exploitation compromet, au point de le condamner, un site particulièrement précieux, une procédure légale de fermeture et de transfert de l’activité devra être envisagée.

– les sites minéralogiques, détruits systématiquement par les collectionneurs et les marchands de minéraux, doivent recevoir une protection définie par une nouvelle législation.

Une réglementation plus sévère et mieux contrôlée devrait éviter la destruction de sites susceptibles de faire progresser les sciences de la nature et qui sont souvent de véritables musées naturels, notamment certains cirques, tourbières, gravières, …

CONCLUSION:

VERS UNE PRISE DE CONSCIENCE ECOLOGIQUE.

Le Club Vosgien ne refuse pas le progrès, mais il veut le respect de l’homme. Pour cela, il est convaincu de la nécessité d’une lutte ferme contre l’irresponsabilité individuelle et l’égoïsme des intérêts particuliers. Il demande, à la ville, à la campagne et dans la montagne, l’application des lois strictes sur les modes d’aménagement et sur les pollutions tant matérielles que visuelles.

Persuadé que des concepts clairs sur l’écologie font partie intégrante de la protection de la nature, le Club Vosgien se fait le défenseur de tout enseignement (scolaire, universitaire, populaire) visant la promotion des connaissances écologiques dans un public aussi large que possible. Pour sa part, il s’engage à mettre en place au niveau des sections et des régions, des conférences, discussions ou sorties écologiques.

Le Club Vosgien est, et sera toujours, le défenseur de la nature: en condamnant la nature, c’est l’Homme qu’on condamne.

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